La demande pour les chirurgies esthétiques de la vulve ne cesse d’augmenter au Québec depuis quelques années, confirment les chirurgiens contactés par 24 heures, si bien qu’il s’agit désormais d’une des procédures les plus populaires dans le milieu esthétique.
La labiaplastie – aussi appelée nymphoplastie – est une opération qui consiste à réduire la taille des petites lèvres de la vulve. Cette opération était peu connue du public, voire tabou, il y a 15 ans à peine. Elle est aujourd’hui pratique courante dans les salles d’opération.
«Avant, j’en faisais quelques-unes par mois. Mais maintenant, il ne se passe pas une semaine sans que j’en fasse», lance la Dre Geneviève Ferland-Caron au bout du fil, avant de commencer une journée d’opérations, où elle réalisera cinq labiaplasties.
Celle qui se spécialise dans les chirurgies intimes féminines évalue la hausse de la demande à 15% par année depuis trois ans. «Les femmes viennent me voir, elles n’aiment pas que leurs petites lèvres dépassent des grandes lèvres», détaille la médecin.
Même chose pour le Dr Alex Viezel-Mathieu, qui constate une augmentation de la demande de près de 50% pour ce genre de procédure depuis les deux ou trois dernières années.
«J’en fais quasiment chaque semaine», souligne le chirurgien plastique qui pratique à Montréal. «Avec les augmentations mammaires, les liposuccions et les abdominoplasties, les labiaplasties sont rendues dans la catégorie des chirurgies les plus populaires.»
Le chef du service de chirurgie plastique du CHUM et professeur à l’Université de Montréal, le Dr Michel Alain Danino, remarque également «un engouement récent et très significatif» pour les chirurgies esthétiques du vagin, comme la vaginoplastie qui vise à construire ou reconstruire un vagin.
«C’est une opération qui est très en vogue, et on peut s’attendre à ce que cette dynamique continue. Avec la vaginoplastie, on résout un problème qui était totalement ignoré, mais qui préoccupe depuis longtemps. Les déchirures après un accouchement, par exemple, peuvent gêner la vie intime de plusieurs femmes.»
Qui demande ces chirurgies?
La Dre Ferland-Caron explique l’engouement pour les interventions génitales entre autres par la montée «des pantalons Lululemon ultraserrés et de l’épilation complète du bikini».
«Les femmes sont plus portées à examiner cette partie de leur corps, dit-elle. Les leggings et l’épilation ont le gros rôle.»
Pour le Dr Viezel-Mathieu, c’est plutôt la démocratisation de la chirurgie esthétique qui incite les personnes à corriger ce qu’elles aiment moins sur leur corps.
«C’est beaucoup moins stigmatisé, les gens ne s’en cachent plus. Je me fais souvent dire par les patientes qu’elles ont une amie qui a eu cette procédure, que c’était rapide et que la convalescence était facile», raconte le chirurgien.
C’est aussi ce qu’observe la chirurgienne plastique Sandra McGill.
«Aujourd’hui, il y a beaucoup plus de connaissance et d’information sur les interventions pour modifier l’apparence de la vulve. Les gens commencent à savoir que ces opérations existent.»
Trois groupes d’âge distincts entrent dans son bureau pour subir ce genre d’opération précise d’ailleurs la Dre McGill: des femmes après la ménopause, de jeunes mères agacées par leurs petites lèvres qui ont grossi après leur grossesse, puis de jeunes femmes de 16 à 21 ans qui ont génétiquement plus de tissus au niveau de la vulve.
«Elles se présentent avec leurs mères. On fait de l’éducation, on leur dit que toutes les vulves sont normales et on les encourage d’attendre pour une chirurgie aussi», fait-elle valoir.
Profiter des complexes
Au-delà de la démocratisation de la chirurgie esthétique, la responsable de la recherche au Réseau québécois d’action pour la santé des femmes (RQASF), Isabelle Mimeault, y voit le résultat de la pression sociale exercée sur le corps des femmes.
«Il y a de plus en plus d’anxiété vaginale. Les femmes se regardent dans le miroir, avec le rasage et la pornographie, elles se comparent et développent un mal-être par rapport à leur organe génital», explique-t-elle.
La chercheuse en santé sexuelle au Club Sexu, Emmanuelle Gareau, pointe quant à elle le manque de variété dans les représentations de la vulve.
«Il faut avoir un petit clitoris, peu de poils, les petites lèvres qui ne dépassent pas des grosses, une vulve rosée: ça peut faire émerger des complexes chez certaines personnes, comme on a peu de modèles», signale la candidate au doctorat en santé publique à l’Université de Montréal.
Une vulve «anormale»
La Dre Sandra McGill souligne qu’il est très rare qu’une personne ayant «une anatomie normale» la consulte pour une labiaplastie.
«Ce sont des femmes qui ont une ampleur de tissus qui justifie la chirurgie. Elles ont des inconforts lorsqu’elles pratiquent du sport, comme la bicyclette, il y a une gêne quand elles sont en maillot de bain et dans certaines situations intimes», assure-t-elle.
Ce n’est pourtant pas ce que démontrent les statistiques de la Société des obstétriciens et gynécologues du Canada.
«La plupart des femmes qui demandent une intervention chirurgicale esthétique génitale ont des organes génitaux normaux», affirme Isabelle Mimeault, citant une directive clinique publiée en 2022 dans le Journal d’obstétrique et gynécologie du Canada (JOGC).
Et toujours selon le JOGC, jusqu’à 87% d’entre elles sont rassurées par des conseils et ne procèdent pas à l’opération.
En revanche, les patientes dont les lèvres sont anormalement longues et qui souffrent d’irritation peuvent demander à un gynécologue d’effectuer l’opération. La labiaplastie peut alors être remboursée par la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ).
Malgré la hausse de la demande pour ce genre de procédures dans les cabinets privés, les chiffres de la RAMQ recueillis par 24 heures affichent une baisse marquée de ces remboursements: – 38% entre 2018 et 2022.
Pour un look Barbie ou Pornstar
Ce ne sont pas toutes les personnes qui entrent dans le bureau de la Dre Geneviève Ferland-Caron qui finiront sur la table d’opération, au contraire.
De plus en plus de patientes exigent des labiaplasties Barbie ou Pornstar look, «comme sur Onlyfans ou sur les sites pornos», qui consistent à enlever la quasi-totalité des petites lèvres.
«Je refuse de faire ces chirurgies trop agressives et qui ne vont pas du tout avec la fonction du vagin. Les petites lèvres sont là pour protéger le vagin. Il faut en garder une partie. On ne veut pas tomber dans l’amputation», indique la médecin.
Mais, ce ne sont pas tous les professionnels qui ont cette éthique de travail, prévient-elle.
«Je vous garantis que les filles vont trouver quelqu’un prêt à les opérer, que ce soit au Québec ou ailleurs», se désole la Dre Ferland-Caron.
«C’est inquiétant que ce soit aussi répandu et qu’il y ait une aussi grande hausse de la demande pour cette chirurgie esthétique», commente Emmanuelle Gareau. «La vulve est scrutée. On rend la diversité pathologique. On profite des insécurités et des complexes des personnes avec une vulve.»
Source et article complet : De plus en plus de femmes se font raccourcir les petites lèvres de la vulve | 24 heures