Mon plus grand espoir est que le nouvel hôpital gardera son vieux cœur, celui d’une famille de passionnés, professionnels, dévoués, au service de leur communauté
« Vous devez être tanné de toute cette construction ? On dirait une zone de guerre… »
« C’est vraiment l’enfer, venir ici ! Je ne sais pas comment vous faites, jour après jour… »
« Vous devez avoir hâte au nouveau CHUM ! C’est rendu vraiment désuet, le vieil hôpital Saint-Luc… »
Depuis quelques semaines, plusieurs patients nous font part de ces réflexions, toutes un peu semblables. Il est vrai que les chantiers autour du CHUM sont particulièrement envahissants ces jours-ci. En plus de la construction du nouveau CHUM, la rue Saint-Denis est fermée pour réfection entre René-Lévesque et Viger.
Ce matin, je me suis retrouvé très tôt à l’hôpital, bien avant ma clinique, réveillé pendant ma garde pour une patiente transférée d’un autre centre hospitalier.
La résidente en chirurgie, dans sa dernière année avant l’obtention de son diplôme en tant que chirurgienne (après 10 ans de formation universitaire), me raconte au téléphone l’histoire de Mme Tremblay (nom fictif).
Une procédure pratiquée dans un autre hôpital s’est compliquée d’une perforation intestinale (les complications peuvent survenir après n’importe quelle procédure, et bien entendu partout, même au CHUM). Mme Tremblay souffre d’une péritonite qui nécessitera une intervention urgente. Après l’appel à la salle d’opération, je me rends rapidement à l’hôpital pour être présent dès que la salle est prête.
Je rencontre Mme Tremblay à son arrivée sur une civière à la salle d’opération. Malgré sa douleur et son inquiétude, elle semble sereine. Je me présente et lui répète ce que la résidente lui a déjà expliqué : les résultats de ses examens, le besoin d’une intervention urgente, le plan de l’intervention et les risques.
Je regarde la préposée pousser la civière vers la salle. Elle chuchote des mots rassurants à la patiente. Les infirmières s’affairent autour d’elle. À tour de rôle, elles l’encouragent. L’anesthésiste se présente à son tour.
J’aime voir comment chaque membre de l’équipe se préoccupe de son confort et tente de la rassurer.
Quelques minutes plus tard, l’intervention commence.
Le soir, je revois Mme Tremblay, qui récupère très bien de sa chirurgie du matin. Ma journée finie, je quitte l’hôpital en contournant tous les trottoirs fermés ou presque en ruine. Je me remémore ces rues que je connais si bien.
En effet, il y a 30 ans ce mois-ci, j’ai commencé à travailler comme chirurgien à l’hôpital Saint-Luc. Auparavant, en 1983, en tant que résident-chef en chirurgie, j’avais servi comme représentant des résidents au Conseil d’administration de l’hôpital.
Lors d’une période de compression budégtaire, le C.A. avait discuté de l’option de fermer les urgences aux patients « ambulants ». J’avais rappelé alors au C.A. le slogan des festivités en cours cette année-là pour célébrer le 75e anniversaire de l’hôpital, longtemps désigné comme « l’hôpital des pauvres ». « Soixante-quinze ans d’hospitalité », disait le slogan. L’option de fermer les urgences pour sauver le budget fut rejetée.