Histoire contemporaine du département de chirurgie de l’université de Montréal

L’histoire contemporaine du Département de chirurgie commence le 28 mars 1950, alors que l’Assemblée législative du Québec vote le Bill 69 qui donne à l’Université de Montréal une nouvelle charte. Cette charte représente une refonte quasi complète de la Charte de 1920 qui a créé l’Université de Montréal et lui a donné sa complète indépendance de l’Université Laval de Québec.

Inspirée du rapport de la Fondation Rockefeller venue étudier sur place les problèmes de la Faculté de médecine de l’Université de Montréal et suite à la menace de perte de son agrément, la Faculté entreprend une réorganisation de sa structure et de l’enseignement de la médecine et de la chirurgie. Elle élabore les nouveaux programmes d’étude et, pour la première fois, détermine les qualifications de base exigées des professeurs.

Le 1 er juin 1950, le Dr Wilbrod Bonin est nommé doyen de la Faculté. C’est le premier doyen à temps plein de notre faculté. Le nouveau doyen est convaincu que l’hôpital universitaire, le CHUM, ouvrira ses portes avant la fin de son premier mandat. En effet, le rapport de la Fondation Rockefeller est explicite sur la nécessité d’avoir un Centre hospitalier universitaire si la Faculté espère être reconnue par les organismes d’accréditation. Le Dr Bonin s’empresse donc de définir et de structurer les différents départements de la Faculté. Pour la première fois, en 1951, la mention de Département de chirurgie apparaît dans l’annuaire de la Faculté.

Jacques Bruneau, premier directeur du Département

Le premier titulaire du poste de directeur du Département de chirurgie est le Dr Jacques Bruneau. Chirurgien général et thoracique à l’Hôtel-Dieu de Montréal, le Dr Bruneau a reçu sa formation postdoctorale au Barnes Hospital de l’Université Washington à Saint-Louis, Missouri. Ses maîtres ont été Evarts A. Graham, pionnier de la chirurgie thoracique, et P. Heinbecker, instigateur auprès de l’ American Board et de l’American College of Surgeons des programmes structurés d’enseignement pour les résidents en chirurgie. Quand Jacques Bruneau accepte le poste de directeur, il est entendu que l’Hôpital universitaire sera terminé rapidement dans l’aile ouest du bâtiment principal de l’Université qui a été construit et réservé à cet effet. Malheureusement, des tergiversations et des tractations politiques nombreuses, aussi bien au niveau des politiciens provinciaux que politiciens médicaux, allaient compromettre sa réalisation. En avril 1955, l’Association of American Medical Colleges et l’American Medical Association reviennent faire une enquête sur la Faculté de médecine. Leur conclusion est qu’aussi longtemps que l’hôpital universitaire ne sera pas disponible et que le nombre de professeurs à plein temps n’aura pas été augmenté pour correspondre aux normes reconnues partout au Canada et aux États-Unis, cette faculté ne pourra pas progresser, ni être accréditée. Jacques Bruneau n’est pas un politicien, ni un batailleur. Devant son impuissance à corriger les lacunes soulignées par les organismes américains, il décide de cesser d’assumer la direction du département universitaire.

Édouard Desjardins, directeur de l’enseignement de la chirurgie de 1956 à 1961

Après la démission du Dr Jacques Bruneau, en 1956, la Faculté ne juge pas à propos de nommer immédiatement un nouveau directeur du département. Elle confie plutôt la responsabilité de l’enseignement de la chirurgie au Dr Édouard Desjardins. Depuis de nombreuses années, le Dr Desjardins est responsable de la majorité des cours magistraux d’enseignement théorique de la chirurgie donnés à l’Université, tâche pour laquelle il n’est pas rémunéré. Déjà en 1958, dansl’Annuaire de l’Université, il n’est plus fait mention du Département de chirurgie. Cette situation durera jusqu’en 1961.

En 1960, à l’occasion de sa visite, le comité mixte d’agrément canadien et américain note que les déficiences relevées lors de leur visite précédente n’ont pas été corrigées, soit le parachèvement de l’hôpital universitaire et l’absence d’un nombre suffisant de professeurs à plein temps. Uniquement par bienveillance, on accorde un agrément temporaire à la Faculté en la prévenant d’une nouvelle visite dans deux ans.

Marcel Lamoureux, directeur du Département de chirurgie de 1961 à 1965

En 1961, pour corriger la situation anormale provoquée par l’absence d’un directeur du Département de chirurgie, la Faculté décide de nommer officiellement le Dr Marcel Lamoureux comme directeur de ce département. Le Dr Lamoureux, formé à la Clinique Lahey de Boston, est le chef du Département de chirurgie de l’Hôpital Maisonneuve.

À l’occasion d’une nouvelle visite en 1962, suite à l’absence de réformes substantielles, le Comité d’agrément menace de retirer l’accréditation l’année suivante à moins de changements majeurs. L’Université et la Faculté prennent des décisions cruciales. Le Dr Wilbrod Bonin démissionne de sa fonction de doyen pour être remplacé par le Dr Lucien Coutu. Le Dr Jacques Genest est nommé directeur du Département de médecine, tout comme on confirme la nomination du Dr Marcel Lamoureux comme directeur du Département de chirurgie.

Le Comité des affaires médicales obtient que le budget de la Faculté soit doublé immédiatement afin d’engager des professeurs à plein temps. Lucien Coutu et sa nouvelle équipe procèdent à une réorganisation complète de la Faculté et structurent les grands départements cliniques à l’image des facultés de médecine américaines. Lors de sa visite de contrôle en 1965, à sa grande satisfaction, le comité de liaison nord-américain constate l’importance des progrès et des réformes accomplis et recommande unanimement que l’accréditation de la Faculté soit renouvelée sans condition pour une période de cinq ans.

Maurice Parent et la réforme du Département de chirurgie en 1965

En 1965, le Dr Maurice Parent, chirurgien général à l’Hôpital Notre-Dame, succède au Dr Lamoureux. Il a complété sa formation chirurgicale à l’Hôpital Notre-Dame par des stages post-doctoraux en Suède et aux États-Unis. On lui confie le mandat de réorganiser complètement le département de chirurgie. Parmi les objectifs visés, il doit réviser et rajeunir le programme d’étude en chirurgie. On lui confie la tâche de ramener au sein de la Faculté les divers programmes de résidence-maison que chaque hôpital affilié maintient. Maurice Parent réussit à convaincre les chirurgiens de ces hôpitaux d’accepter la nouvelle structure. En 1970, débutent les programmes de spécialisation en chirurgie auxquels doivent s’inscrire tous les résidents avant d’entreprendre leur résidence. Rapidement, ces programmes sont reconnus par le Collège des médecins du Québec, par le Collège royal du Canada et par l ‘American College of Surgery.

Pendant son mandat, le Dr Parent forme un corps professoral inter hospitalier qui regroupe les chirurgiens qui désirent faire une carrière académique en devenant plein temps géographiques rémunérés par l’Université. Au moment de la nomination du Dr Parent, il n’y a aucun professeur PTG. Par contre, à la fin de son mandat, on en compte vingt-cinq. Malgré les critiques parfois justifiées, les professeurs PTG ont joué un rôle capital dans l’évolution du Département.

Le directorat du Dr Jean-Panet Fauteux de 1977 à 1986

Le successeur du Dr Parent à la direction du Département de chirurgie est le Dr Jean-Panet Fauteux nommé en 1977. Après sa résidence en chirurgie à l’Hôtel-Dieu de Montréal, le Dr Fauteux est allé parfaire sa formation chirurgicale comme associé en recherche à l’Université John Hopkins sous la direction d’Alfred Blalock, Frank Spencer et David Sabiston. Cette formation postdoctorale lui a permis de connaître ce qu’était un département universitaire à l’américaine. Aussi, dès sa nomination comme directeur du département, il trouve inacceptable que le responsable de ce poste n’ait même pas un bureau sur le campus de l’Université, là où se prennent toutes les décisions importantes pour l’avenir du Département et de la Faculté. Ses premières démarches sont donc à l’effet que le Département de chirurgie ait son secrétariat permanent sur le campus. Il réussit à convaincre les autorités de la Faculté de fournir les locaux nécessaires pour rapatrier les services administratifs du département, pour loger les secrétaires et le directeur du Département. Jean Fauteux et les autres directeurs qui lui ont succédé ont pu ainsi profiter de l’expertise exceptionnelle de secrétaires administratives de la trempe de Diane Anderson, Diane Gauthier, Jacqueline Giroux-Gauvin et Diane Lessard.

Pendant le mandat du Dr Fauteux, le nombre des demandes d’admission en chirurgie augmente. Pour mieux gérer ces demandes et pour s’assurer d’une meilleure sélection, le Dr Fauteux instaure un Comité d’admission en chirurgie dont il confie la présidence au Dr Hervé Blanchard. En 1981, pour garantir une formation de base identique en chirurgie pour tous les candidats de chacune des spécialités chirurgicales, il charge le Dr Denis Bourbeau d’organiser un Tronc commun en chirurgie d’une durée de deux ans. Il charge les comités pédagogiques pré et postdoctoral de revoir, de reformuler et de rédiger les objectifs cognitifs et psychomoteurs que doivent atteindre les étudiants et résidents de chacune des spécialités chirurgicales. Pour s’assurer que les professeurs maîtrisent bien toutes les formes d’enseignement, il inaugure les Journées pédagogiques annuelles du Département. Conscient de l’importance de la recherche en chirurgie, pendant les neuf années de son mandat, il dirige personnellement le Comité de la recherche du Département qui avait été créé initialement par le Dr Parent. Il inaugure les Journées chirurgicales du Département de chirurgie de l’Université de Montréal.

Le Dr Louis-Conrad Pelletier et le début des restrictions budgétaires

Le Dr Pelletier, chirurgien cardio-vasculaire et thoracique de l’Hôpital du Sacré-Cœur et de l’Institut de cardiologie de Montréal, est nommé directeur du département en 1986. Après sa formation dans le programme de CCVT de l’Université de Montréal, il est allé parfaire sa formation par un stage de deux ans à la Clinique Mayo. À peine nommé directeur du département, il doit faire face à des restrictions budgétaires importantes. Il doit donc mettre en place une structure de gestion et une réorganisation du département qui lui permettra de survivre et même de progresser malgré des budgets nettement insuffisants. Pour pallier l’absence de revenus qui lui permettraient d’engager de nouveaux professeurs, il réussit à faire adopter un plan de pratique par les chirurgiens plein-temps et demi-temps du département à qui plus de 80 % du budget du département est attribué. L’adoption de ce plan permet de mettre à la disposition des chefs de départements hospitaliers des sommes pour faciliter l’enseignement et promouvoir la recherche.

Dès le début de son mandat, le Dr Pelletier réorganise le comité d’admission des résidents en chirurgie. Sous la direction du Dr Jacques Corman, le nouveau comité devient un comité central d’admission pour toutes les spécialités où tous les hôpitaux affiliés sont représentés et où siègent également les directeurs de chacun des programmes de spécialisation chirurgicale.

Le Dr Gilles Beauchamp est nommé responsable du Tronc commun. Il revoit les objectifs des stages en chirurgie et établit des modules d’enseignement qui se tiennent de façon statutaire où les résidents ont l’occasion de présenter et de discuter les sciences de base en chirurgie. Un laboratoire d’enseignement des techniques chirurgicales est mis en place. Des cours sur les aspects légaux de la pratique chirurgicale sont initiés, de même que des cours d’épidémiologie clinique, de bioéthique et de biostatistique.

La recherche joue un rôle de plus en plus important dans le département avec le recrutement de six chercheurs boursiers cliniciens. Pendant le mandat du Dr Pelletier, les subventions annuelles de recherche du département atteignent un montant de près de deux millions de dollars. Les projets de recherche sont si nombreux qu’il transforme les Journées chirurgicales du département en Journées de la recherche du département.

Le Dr Jacques Corman est nommé directeur du Département en 1994

Pour succéder au Dr Pelletier, le Dr Jacques Corman est nommé directeur du Département en 1994. Après sa formation postdoctorale chez Starzl à Denver en transplantation, il fut chirurgien à l’Hôpital Notre-Dame. Son mandat sera abrégé suite à des problèmes de santé qui l’obligent à se retirer de ce poste en 1995.

Le Dr Charles-Hilaire Rivard succède au Dr Corman

Nommé d’abord comme directeur intérimaire en 1995, le Dr Charles-Hilaire Rivard, chirurgien orthopédiste à l’Hôpital Sainte-Justine, est officiellement nommé à ce poste en 1996. Sa formation postdoctorale s’est effectuée par un stage comme research fellow à l’Université d’Ottawa. La situation financière du Département ne s’est guère améliorée depuis le milieu des années 1980, au contraire elle s’est détériorée. Le Dr Rivard doit vivre une des situations des plus difficiles pour un directeur de département, soit la décroissance du corps professoral de son département. Quand il commence son mandat, le Dr Rivard peut compter sur vingttrois professeurs à plein temps pour assurer l’enseignement de la chirurgie aux étudiants et aux résidents. À la fin, il n’en reste que douze. Cette situation résulte de deux circonstances sur lesquelles il n’a aucun contrôle : la stagnation du budget du Département et de la Faculté et la prise de retraite de plusieurs professeurs. Dès 1995, par souci d’économie, l’Université favorise la prise de retraite anticipée de ses professeurs plein-temps en leur allouant une généreuse allocation de retraite. La même année, également par souci d’économie et par manque de vision, le Gouvernement du Québec, d’accord avec la Fédération des médecins spécialistes, offre une généreuse allocation de fin de carrière à tous les chirurgiens qui ont atteint leur soixante-cinquième année. Aussi, un bon nombre de professeurs veulent profiter de ces apports financiers inattendus et prennent leur retraite provoquant ainsi la décroissance du corps professoral.

Création du Centre hospitalier universitaire en 1996

En 1996, après des années d’indécisions, de tractations et de luttes interhospitalières, le CHUM voit le jour. Depuis 1932, année de la décision des autorités politiques provinciales et des autorités universitaires de construire un hôpital universitaire, nous attendions cette création, soit depuis plus de 64 ans. Le CHUM résulte de la fusion des hôpitaux Hôtel-Dieu, Notre-Dame et Saint-Luc auxquels sont affiliés les hôpitaux Maisonneuve-Rosemont, Sacré-Coeur et l’Institut de cardiologie. Au CHUM, s’ajoute l’Hôpital Sainte-Justine qui devient le CHU-MèreEnfant. Une ombre au tableau, malgré un certain espoir, on attend toujours la construction d’un hôpital universitaire dont l’ouverture, aux dernières nouvelles, pourrait peut-être se faire en 2010, soit plus de 78 ans après que la décision de le construire ait été prise.

Le Dr Gilles Beauchamp, directeur du Département de chirurgie en 1999

En 1999, le Dr Gilles Beauchamp, chirurgien général et thoracique et chef du Département de chirurgie de l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont, est nommé directeur du Département de chirurgie. Il a complété sa formation postdoctorale chez Pearson à Toronto. Les années de restrictions budgétaires ne sont pas encore terminées. Les nouveaux budgets donnent peu de latitude au nouveau directeur. Il doit recourir, comme autrefois, à la bonne volonté et à la générosité des chirurgiens de son département pour pouvoir offrir une formation adéquate aux étudiants et aux résidents du département. Il resserre les rangs de tous les professeurs, aussi bien professeurs de carrière que professeurs de clinique, et les incite à participer activement et généreusement à la vie du Département. Il réorganise les réunions du département, les Journées pédagogiques sont réactualisées.

Il nomme le Dr Robert Cossette président du Comité d’admission et le Dr Labelle responsable du Comité de la recherche. Ce dernier définit un plan quinquennal qui permettra de canaliser les efforts de recherche dans quatre secteurs principaux, soit la chirurgie orthopédique, la chirurgie cardiaque, la transplantation et l’oncologie. Un consortium sur les nouvelles technologies est créé et réunit les chercheurs du Département de chirurgie avec des chercheurs de l’École Polytechnique et l’École des Technologies Supérieures, ainsi que certains membres du Département d’informatique de l’Université de Montréal. Le Département de chirurgie veut définitivement s’impliquer dans le domaine de la recherche reliée aux nouvelles technologies.

Conclusion

En moins de cinquante ans, d’un département qui était menacé de perdre son agrément par les organismes officiels d’accréditation, le Département de chirurgie de l’Université de Montréal a réussi à devenir un grand département moderne qui a peu à envier aux meilleurs départements de chirurgie nord-américains ou européens. Ceci est dû en grande partie, au travail, à la passion, à la qualité et à la vision de tous ces directeurs à qui nous devons rendre hommage.

 

Marcel J. Rheault, M.D